Performance Web 2025 : le Web ne progresse plus, voici pourquoi…
Loin de moi l’idée de faire mon « réac » (et encore moins mon react), mais au vu de mes dernières lectures l’état du web n’est pas des plus glorieux. Et encore mon sujet n’est pas celui d’une infosphère truffée de fausses informations, il est celui de la web performance, c’est-à-dire celui des temps de chargements et d’exécution au sein de tous vos appareils du petit au grand écran. Or, fort de mes 25 années d’expérience, et dont une bonne moitié en tant qu’expert WebPerf La Webperf désigne l'optimisation des performances d'un site web pour accélérer son chargement et améliorer l'expérience utilisateur, grâce à des techniques comme le caching, la compression, et la réduction des fichiers. , et au travers de tous les tests MilleCheck.ai que je consulte, je ne vois pas d’amélioration significative.
Il ne s’agit pas de dire « c’était mieux avant » parce que cela ne l’était pas : il s’agit de décrire une situation paradoxale où la performance web en 2025 stagne malgré les technologies web disponibles. Ces dernières permettent énormément de choses pour aller dans le bon sens mais sont sous-exploitées car, à mon avis, elles sont méconnues et pas assez enseignées. Pourtant, les enjeux sont énormes pour conserver une audience, pour réduire les coûts d’infrastructure, et réduire son impact environnemental. En résumant une partie de mes lectures, faisons donc le point sur cette situation.
Les Core Web Vitals comme référence
En matière de performance web 2025, les Core Web Vitals Les Core Web Vitals sont des métriques de Google qui mesurent la vitesse de chargement, l'interactivité et la stabilité visuelle des sites web. Elles sont essentielles pour offrir une bonne expérience utilisateur et améliorer le SEO. restent les indicateurs les plus suivis pour évaluer la performance de son site. Ils permettent de mesurer les temps de chargement, de réactivité et la stabilité visuelle de la page. Chaque propriétaire de site qui veut performer suit, comme le lait sur le feu, les évolutions du LCP Le Largest Contentful Paint (LCP) mesure le temps qu'il faut pour afficher le plus grand élément visible d'une page web, comme une image ou un bloc de texte, indiquant la rapidité du chargement perçu. , de l’ INP L'INP (Interaction to Next Paint) est une métrique qui mesure le délai entre une interaction utilisateur et la prochaine mise à jour visuelle de la page, reflétant la réactivité d'un site web. et du CLS Le Cumulative Layout Shift (CLS) est une métrique qui mesure la stabilité visuelle d'une page web en évaluant la quantité de décalements inattendus des éléments lors du chargement, affectant ainsi l'expérience utilisateur. notamment au travers de la Google Search Console La Search Console est un outil gratuit de Google qui permet aux propriétaires de sites web de surveiller, analyser et optimiser la visibilité de leur site dans les résultats de recherche Google. . Depuis cette année, il y a même un onglet nommé « performance » dédié à leur analyse dans les outils de développement de Chrome. Bref, les outils ne manquent pas pour analyser et corriger le cas échéant.
Mais, et c’est un gros mais, depuis 2023 plus de 40% des sites ne respectent pas les seuils de réussite des Core Web Vitals en desktop et c’est plus de 50 % en mobile ! De même, ce taux reste quasi constant depuis cette même année de 2023. Le web ne progresse plus en matière de WebPerf.
État de la Performance Web 2025 sur Mobile
Je le répète : en mobile, c’est moins de 50% des sites web dans le monde qui répondent aux exigences des core web vitals. Pour rappel, les mauvaises métriques CrUX Le Chrome User Experience Report est un ensemble de données collectées auprès des utilisateurs de Chrome, fournissant des informations sur les performances réelles des sites web, comme les temps de chargement, l’interactivité et la stabilité visuelle. impactent directement le classement SEO Le référencement naturel, ou SEO (Search Engine Optimization), est l'ensemble des techniques visant à améliorer la visibilité d'un site web dans les résultats de recherche des moteurs comme Google, sans utiliser de publicité payante. et rendent la performance essentielle : elle affecte le ranking, le trafic et les conversions. C’est d’autant plus important que désormais, les performances mobiles sont devenues la référence de base attendue par Google.
Quid des progrès des appareils ?
Pourtant chaque année, les développeurs front-end Le front-end désigne la partie visible d'un site web ou d'une application avec laquelle l'utilisateur interagit directement. Il englobe l'interface utilisateur, le design, et les éléments interactifs, généralement créés avec HTML, CSS, et JavaScript. bénéficient d’une puissance de calcul et d’une bande passante toujours plus importante. Du moins, c’est que l’on pourrait penser…
Pour les mobiles
Dans l’article sur « les inégalités de performance » d’Alex Russell, on apprend que les smartphones entrée de gamme n’ont pas connu d’amélioration significative depuis 2022; alors qu’à l’inverse les smartphones haute gamme continuent de progresser.
Le haut de gamme continue de creuser l’écart en termes de performances mais surtout en termes de prix, ce qui tire légèrement les prix de vente moyens vers le haut. Parallèlement, les appareils haut de gamme se vendent toujours plus de trois fois moins que les téléphones entrée de gamme, dont les performances ne progressent pas. Ces derniers, en revanche, deviennent de plus en plus abordables, avoisinant les 100 $. C’est dix fois moins cher que le modèle d’iPhone le plus abordable intégrant la puce la plus performante d’Apple.
Ainsi, en prenant en compte les tendances du marché et l’expansion des appareils d’occasion ou reconditionnés, il faut bien comprendre que les iPhones de dernière génération que possèdent de nombreux développeurs web ou directeur marketing ne reflètent pas l’expérience de la plupart des utilisateurs mobile et même pas de la majorité des utilisateurs iOS.
Pour les ordinateurs
Les nouveaux PC d’aujourd’hui n’offrent que des gains de performance marginaux par rapport à leurs prédécesseurs. La faute à l’incertitude économique, les droits de douane, la fluctuation des prix des composants due à la demande croissante de semi-conducteurs pour l’IA et l’allongement des cycles de remplacement. Alex Russell décrit le contexte des ordinateurs de bureau comme ceci :
- 80 % des appareils « de bureau » sont des ordinateurs portables, des tablettes et autres appareils fonctionnant sur batterie. Retenez bien que l’impact des contraintes thermiques et énergétiques sur les performances de ces appareils est considérable.
- Le Wi-Fi, souvent instable, plutôt que l’Ethernet câblé, constitue désormais le dernier kilomètre pour la plupart des ordinateurs de bureau.
- Les ordinateurs de bureau (y compris les ordinateurs portables) ne représentent que 15 à 18 % des ventes d’appareils compatibles avec Internet ; une tendance qui se maintient depuis une décennie.
Si vous passez la majeure partie de votre temps devant un ordinateur à regarder un écran de plus de 10 pouces, vous vivez dans une bulle privilégiée.
Pour le réseau
Les données Radar de Cloudflare montrent que les connexions médianes et les plus lentes n’ont connu AUCUNE amélioration sur l’année écoulée de novembre 2024 à novembre 2025.
Alors qu’entre novembre 2023 et novembre 2024 : le quartile le plus lent est passé d’environ 6 à 9 Mbps, le médian de 12 à 17 Mbps ; depuis, les valeurs sont restées stables.
L’écart de performance entre les connexions rapides et lentes s’est considérablement creusé au cours de l’année au niveau mondial. La différence de débit entre le 1er et le dernier percentile est passée de 15 Mbps début 2024 à 21 Mbps fin 2025, soit une augmentation de 40%. Cette progression inégale illustre une réalité préoccupante : alors que le quartile inférieur n’a progressé que de 28% (passant de 7 à 9 Mbps), les utilisateurs bénéficiant des connexions les plus rapides ont obtenu un gain trois fois supérieur en valeur absolue. Alex Russell en conclut que l’écart d’inégalité des performances se creuse également au niveau du réseau !
A noter que désormais, la majeure partie du trafic web transite désormais par les réseaux mobiles, exposant les utilisateurs à :
- des antennes cellulaires diverses
- des connexions irrégulières
- aux zones blanches
- et aux interférences liées à l’environnement de l’appareil
Ces facteurs sont des plus difficiles et les plus longs à gérer pour les terminaux mobiles. Ce qui rend la web performance encore plus exigeante en termes de budget perf.
Je pensais que cette inégalité décrite au niveau mondial était moins importante en France au vue de la qualité de nos réseaux, mais il n’en est rien…
Avec un médian à 37 Mbps, nos réseaux français semblent certes de meilleure qualité que le médian mondial à 17Mbps, mais l’écart entre le 1er et le dernier percentiles en France est tout de même de 45 Mbps fin 2025 !
JavaScript : Le Principal Frein à la Performance Web 2025
Le Poids
Depuis toujours, le poids d’une page web ne cessent de croitre.
Le poids médian des pages est 2,5 fois supérieur pour les sites mobiles qu’il y a dix ans. Et le JavaScript suit cette tendance puisque le poids de JS JavaScript est un langage de programmation dynamique principalement utilisé pour ajouter des fonctionnalités interactives aux pages web. Il permet de manipuler le DOM, de gérer des événements, et d'effectuer des requêtes asynchrones. embarqué dans une page web a lui aussi doublé en 10ans.
Cas d’école : 6 mois d’ajout de JavaScript (100 Ko/mois) = 6 mois de fuite d’utilisateurs mobiles.
Un site web à forte visibilité (dont Alex Russell ne cite pas le nom) s’est tiré une balle dans le pied : 100 Ko Ko (Kilooctet) est une unité de mesure informatique équivalente à 1 024 octets. Il est utilisé pour mesurer la taille des fichiers ou la quantité de données dans un système numérique. de JavaScript supplémentaire par mois pendant six mois ont progressivement chassé les utilisateurs mobiles, remplacés par du trafic desktop. La corrélation est implacable : plus de code JavaScript = moins de trafic mobile. Un simple nettoyage du superflu a instantanément inversé la tendance, ramenant les utilisateurs mobiles.
Le cas des SPAs
Alex Russell va au delà de la quantité de JavaScript en critiquant sévèrement les SPAs. En croisant plusieurs sources, l’expert américain fait un constat que je résumerai ainsi : dans la plupart des cas les SPAs sont inefficaces, inadaptées et surdimensionnées.
L’argument principal pour justifier les SPAs est qu’elles offrent une meilleure expérience utilisateur L'expérience utilisateur (UX) désigne la qualité de l'interaction d'un utilisateur avec un produit ou service, en termes de satisfaction, facilité d'utilisation et efficacité. après le chargement initial, car les navigations suivantes sont plus rapides (pas de rechargement). Or, selon les données statistiques révélées par Mr. Russell, le nombre de navigations dites « soft » qui profitent de ce chargement initial est en moyenne égal à un.
Oui, oui vous avez bien lu, un, 1 ou UNO ! On est au delà de la promesse non tenue. L’ingénieur américain précise simplement comment le choix d’une architecture web basée sur une SPA Une Single Page Application (SPA) est une application web qui charge une seule page HTML et met à jour dynamiquement son contenu en réponse aux interactions utilisateur, sans recharger entièrement la page. pourrait être évalué à l’aide de ce simple diagramme :
Performance Web 2025 : revoir nos objectifs pour 2026
Du coup pas étonnant que les résultats à améliorer ou médiocres sont désormais la norme. Il n’est pas rare de voir des notes Lighthouse Lighthouse est un outil open-source de Google qui permet d'auditer la performance, l'accessibilité, le SEO et les bonnes pratiques des sites web. Il fournit des rapports détaillés et des recommandations pour améliorer les performances. avec des données de laboratoire autour des 50/100 satisfaire une équipe technique. Un autre expert américain, Jono Alderson, lui aussi critique les performances dues à l’abus de JavaScript et tout ce que cela induit :
La plupart des sites web sont affreux. Non seulement lents, mais carrément catastrophiques. (…) Ils présentent des bugs sur mobile. Ils frustrent les utilisateurs et perturbent les moteurs de recherche. Leur maintenance est impossible. Et on appelle ça du progrès ? Le plus tragique, c’est que rien de tout cela n’est nécessaire. Autrefois, nous avions un web rapide, stable et résilient. Mais nous l’avons remplacé par un culte du cargo JavaScript. Il faut désormais quatre ingénieurs, trois frameworks Un framework est un ensemble d'outils et de bibliothèques qui fournit une structure et des fonctionnalités préétablies pour développer des applications, simplifiant ainsi le travail des développeurs en offrant des solutions prêtes à l'emploi. et un pipeline CI/CD rien que pour modifier un titre. Publier une simple page web est devenu excessivement complexe.
Toutefois, les chiffres révélés démontrent que nous, développeurs web, devons être plus vigilants. La majeure partie de l’activité informatique mondiale s’effectue sur des appareils plus anciens et moins performants que ceux utilisés par les développeurs. Cela nuit aux sites web, aux utilisateurs, aux services associés et à l’écosystème dans son ensemble. Il faut donc rester sur des exigences fortes en matière de webperf et je pense qu’accessoirement MilleCheck.ai est un excellent outil pour cela.
Seul regret de l’étude d’Alex Russell à mon goût, elle n’évoque pas spécifiquement le coût de la pression publicitaire en termes de JavaScript. Mais bon, on notera que depuis 2019 notre No Fucking JS Spirit reste toujours d’actualité !
Sources :
The Performance Inequality Gap, 2026,
JavaScript broke the web (and called it progress)
